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L’engagement amoureux (article du monde.fr)

Il en va de certaines rencontres amoureuses comme d’une grossesse : à peine déclarée, on pressent que l’aventure sera irrémédiable, avant de constater qu’elle ne modifie finalement pas grand-chose. D’autres résonnent comme un coup de foudre, bouleversant tout sur leur passage. D’autres encore s’affirment en catimini : on se croit ensemble pour le seul plaisir, dans une relation vécue au jour le jour, et l’on se découvre unis par des liens que l’on n’avait pas vu se tisser… Mais, une fois passée l’euphorie première, viendra la remise en question. Faut-il vraiment aller plus loin ? Envisager de faire des projets ? De cohabiter, de fonder ­ ou refonder ­ une famille ? Aujourd’hui, l’engagement amoureux ne va pas de soi.Longtemps, tout fut plus simple. On se rencontrai! t, on se plaisait, ou encore la rencontre avait-elle été arrangée, et l’histoire écrite d’avance. Dans tous les cas, le mariage ne tardait pas. Couplé à vie… On connaît la suite. La libération sexuelle, la multiplication des divorces et des unions libres, la montée du célibat. En France, aujourd’hui, un adulte sur trois vit seul, ou du moins sans conjoint. Soit quatorze millions de personnes de tous âges, célibataires, veufs, divorcés ou parents isolés, qui continuent pourtant de rêver au grand amour.

Paradoxe ? En apparence seulement. Le prince charmant, la princesse de notre enfance ne sont pas près de disparaître de notre imaginaire. Mais le conte de fées a pris un coup de vieux. Tendance à l’individualisation, revendication des femmes à l’autonomie et à l’égalité, sexualité plus libre, dédramatisation des relations extraconjugales et des séparations : dès leur naissance, les amours contemporaines composent avec le principe de réalité. Et l’on a beau rêver de vie! illir ensemble, le couple à venir ne se conçoit plus sans susc! iter le doute et l’appréhension.M’aime-t-elle vraiment ? Ne va-t-il pas empiéter sur ma liberté ? Partagerons-nous les mêmes convictions, les mêmes amis ? Autant la phase de la rencontre ­ celle où l’on « tombe en amour » ­ échappe à notre volonté et à notre jugement, autant la seconde ­ celle où se négocie l’envie de « sauter le pas » ­ fait appel à des mécanismes conscients et réfléchis. Et le passage de l’une à l’autre est loin d’être automatique.

« LIBRES ENSEMBLE »

Si l’on se sent comblé par l’être aimé, l’illusion ne dure qu’un temps. Mais elle fournit une accroche à partir de laquelle, par la simple répétition des rencontres, se tisse un fil de vie commune. Si la relation perdure, les partenaires seront alors « comme deux marcheurs qui construisent le sol à mesure qu’ils avancent » . Ils prendront une semaine de vacances, feront éventuellement de petits bouts d’essai de vie commune. Expérimentant pas à pa! s, selon l’expression du sociologue François de Singly, leur meilleure façon d’être « libres ensemble » .

Progressivement, les tourtereaux construiront leur avenir. Mais le déroulé des amours modernes est rarement si linéaire. A moins de vivre son premier amour, chacun s’y aventure chargé de son histoire, de ses rêves et de ses échecs. Certains sont déjà impliqués dans une autre relation, déclinante peut-être mais néanmoins lourde de poids affectif : pour s’engager, il faut alors se dégager du passé. D’autres pourraient être plus intéressés à maintenir une attirance mutuelle qu’à bâtir des projets concrets et réels, ils répugnent à voir mourir les délices de la phase d‘ »énamoration » , et portent de partenaire en partenaire leur besoin de légèreté.

D’autres enfin, libres et sans attaches, n’ont pas renoncé à leurs rêves de couple idéal. Mais à force de désillusions, ils sont devenus méfiants. « Oser aimer l’autre, se livrer à lui, c’est aussi avoir ! peur de le perdre et de se retrouver seul » , rappelle Didi! er Lauru. Une peur de ne pas parvenir à établir un lien durable que partagent désormais, affirme le psychanalyste, des adolescents. Convaincus que l’amour qui dure est une exception (à Paris, moins d’un enfant sur deux vit sous le même toit que son père et sa mère), ils gardent souvent un souvenir douloureux de la séparation parentale, et ont de l’engagement et du couple « une vision de plus en plus floue » .

Pas étonnant, dans ce contexte, que le célibat soit en constante augmentation ! Ni qu’un nombre croissant d’adultes y aient pris goût. Si l’on mesure le poids de la solitude, on découvre aussi les joies de l’indépendance, la quiétude d’une vie affranchie des contraintes et des conflits du quotidien conjugal. Après une séparation, les candidats à un nouveau couple y réfléchissent à deux fois avant de remettre dans la balance la liberté et la paix de l’âme si chèrement acquises. Et les femmes bien plus que les hommes, qui ont appris à vivre sans mari, sans aman! t, sans père pour leurs enfants. Chercher sa moitié est une chose ; devenir ­ ou redevenir ­ deux lorsque l’on sait que l’on peut se suffire à soi-même en est une autre.

Si la proportion d’adultes vivant en couple diminue régulièrement, depuis une vingtaine d’années, l’engagement amoureux n’a pas pour autant perdu de sa force. Constituant l’élément moteur de notre vie privée, celui qui fait et défait les couples, il est devenu un choix de vie majeur, le socle de notre organisation familiale.

DÉBUTS COMPLIQUÉS

Comment dépasser les peurs, oser aimer à nouveau sans retomber dans les mêmes pièges, les mêmes déceptions ? De plus en plus, la solution passe par l’invention de nouvelles variations conjugales. Celle du « couple non cohabitant » par exemple, catégorie qui, selon les enquêtes de l’Institut national des études démographiques (INED), commence à devenir statistiquement repérable. Ce « célibat partagé » , où chacun garde so! n domicile et où l’on s’invite l’un chez l’autre, est un luxe ! que beaucoup ne peuvent pas s’offrir. Mais c’est aussi, souligne Serge Chaumier, sociologue à l’université de Bourgogne, « la marque d’une volonté de s’organiser pour ne pas être dépendant ou disparaître dans l’autre » .

Passer des soirées, des fins de semaine ou des vacances sans l’autre, préserver son jardin secret tout en cultivant les plaisirs d’être ensemble. Au couple fusionnel tourné vers la fermeture sur soi succède ainsi le couple « centripète » ouvert sur l’extérieur, estime cet enseignant-chercheur, qui défend l’émergence de ce nouveau modèle conjugal. De ces relations plus souples, moins dévoreuses de soi que le modèle traditionnel, chacun peut sans doute tirer avantage. Mais la multitude des perspectives ouvertes complique les débuts et l’évolution des rencontres sentimentales, dont la réussite exige plus que jamais une vigilance et une attention soutenues envers son partenaire. Le prix à payer pour que l’état amoureux devienne amour véritable, pour le ! meilleur et pour le pire.

Catherine Vincent
Article paru dans l’édition du 31.08.05————————————————————
A méditer ^_^

23 réponses sur « L’engagement amoureux (article du monde.fr) »

C’est clair que la vie de couple est soumise à tant de tiraillement aujourd’hui qu’il devient vraiment difficile de ne pas ceder à la tentation du divorce. C’est pour ça que le dialogue ne doit jamais s’éteindre au sein d’un couple. IL faut dire à l’autre ce que l’on ressent et pourquoi, des fois, on voudrais un peu de temps pour chacun tout simplement.

le problème c’est qu’aujourd’hui on veut tout et rien à la fois. Dans notre société actuelle, on en peut déliberement pas controler l’autre et être avec lui tout le temps ( ce qui n’était pas le cas avant)
J’ai aussi posté cet article en pensant à ceux qui vivaient leur premier amour, qui souvent, coupe des autres et est très étouffant.. bien sûr je parle en connaissance de cause.

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